1. Licence gratuite et SaaS payant
Les juristes nous racontent qu’ils passent 60% de leur temps à rattraper les erreurs du passé.
Cette histoire en est l’illustration.
Après avoir lancé plusieurs start-up – dont une revendue à une filiale du groupe la Poste, – Clodomir lance en 2021 un nouveau SaaS dédié à la visualisation d’indicateurs environnementaux.
A ce moment-là, son objectif est de générer une forte traction pour lever 2 millions d’ici dans les 12 mois.
Pour aller vite (et limiter la R&D), son équipe s’appuie sur plusieurs bases open data. Dont une centrale, issue d’un observatoire européen reconnu et accessible via une API, qui recense depuis 15 ans tous les relevés de pollution atmosphérique.
Cette base est soumise à une licence ouverte.
—
Pause définition :
Une licence ouverte (ou « open data license ») permet à n’importe qui d’utiliser une base de données ou une ressource numérique, souvent gratuitement (mais pas toujours), sous certaines conditions.
Mais attention : ouverte ne veut pas dire sans règles. Ces licences sont toujours à lire attentivement car elles précisent l’étendue des droits (ex. : usage personnel, commercial, redistribution) et les obligations éventuelles (ex. : mention de la source).
—
En l’occurrence, l’une des clauses de la licence indique :
Les parties sont en contact régulier et se connaissent très bien.
4 ans plus tard. La société a maintenant 800 salariés. Elle ouvre des bureaux à Barcelone, Montréal et Amsterdam. L’outil est utilisé dans plus de 120 collectivités et par plus de 40 grands comptes.
Pierrette, est la directrice juridique. Elle reçoit un courrier recommandé :
« Nous avons l’honneur de vous informer que l’observatoire a été racheté par un consortium privé.
Dans ce cadre, nous vous annonçons l’évolution des conditions d’utilisation de notre base.
La licence d’accès est désormais facturée 58.000 euros HT par utilisateur et par an.
Vous trouverez ci-joint le bon de commande à retourner signé.
À défaut, votre accès prendra fin dans 30 jours. »
Ce coût n’a jamais été anticipé et va venir impacter directement la rentabilité de la solution.
Mais en soit, ce n’est pas ce qui inquiète le plus Pierrette et Clodomir.
Le véritable problème, c’est que le contrat type transmis via le bon de commande ne couvre pas du tout leur modèle économique.
La licence ne prévoit rien qui permette d’intégrer le contenu directement à une plateforme commerciale.
Autrement dit, leur cas d’usage est en dehors des clous.
Les relations sont bonnes, Clodomir connaît bien les équipes historiques. Il pense pouvoir négocier.
Mais il sait aussi que ce type de négo – avec validation juridique, comité de gouvernance, etc. – prendra entre 6 et 12 mois minimum.
La question devient donc rapidement stratégique : combien provisionner ? faut-il directement investir en R&D pour reconstituer en interne une base de données équivalente ?
Cet épisode se termine donc sur une longue période de doute pour Clodomir et Pierrette. On vous laisse le soin d’imaginer comment cela s’est terminé.
(Indice : la première fois que Pierrette a appelé le consortium pour négocier, elle a terminé le call par « Vous êtes des voyous ».)
2. Le Temps technique : traquer les assets open source dans son entreprise
Dans une entreprise, il y a plusieurs services qui sont susceptibles de recourir à des services open source gratuits :
– Le service communication pour des contenus photos ou vidéos
– Les développeurs qui utilisent des composants open source ou des bases de données ouvertes
Il faut absolument leur parler régulièrement pour savoir ce qu’ils font.
Lorsque nous intervenons chez un client, nous leur recommandons de tenir à jour une liste des composants utilisés et de faire compléter un tableau du type :

Ensuite, c’est là que votre rôle intervient pour auditer au minimum une fois par an ce qu’ils font.
Il faudra vérifier a minima :
- Si la licence d’utilisation permet une exploitation commerciale : parfois, les licences sont uniquement autorisées pour des finalités privées ou de recherche
- S’il y a des conditions applicables pour exploiter le contenu : par exemple : citer les auteurs.
- Les conditions de la résiliation par le créateur du contenu / composant : pour savoir si vous devez être en mesure de rapidement déployer des plans B.
Parce que ce type d’actif qui passe sous les radars, on connait la chanson et ils ressortent toujours au mauvais moment.