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1. Quand un site concurrent vous vole la vedette

Clodomir et Eulalie sont associés depuis 5 ans. Ce dont ils sont le plus fiers dans leur business, c’est leur machine à leads ultra efficace.

Un process bien huilé. 40.000 contacts qualifiés collectés chaque mois.

Ils ont misé sur une stratégie de production de contenus très agressive et une forte présence sur les réseaux sociaux.

Leurs prospects sont séduits par leur personal branding, invités à interagir, puis pris en charge par une équipe bien rodée :

– des setters pour filtrer (Le setter est celui qui prend contact avec des prospects, qualifie leur intérêt. Il prépare le terrain sans finaliser la vente.),

– des closers pour conclure les contrats (Le closer, c’est celui qui finalise la vente. Son objectif est de transformer le prospect qualifié en client).

Un vrai système de chasse en meute.

Lors d’une soirée dans son club d’affaires préféré, Clodomir est approché par Raoul.

Raoul dirige une entreprise dans le même écosystème que Clodomir et lui fait une proposition:

– « Tes leads m’intéressent. Vends-les-moi, je te propose 0,50€ par email. »

Clodomir ne connait pas encore très bien Raoul.

Mais il est frustré par ses taux de conversion. Il y a beaucoup de contacts qui ne deviennent jamais clients. Beaucoup d’adresses emails dont il ne fait jamais rien. Alors pourquoi ne pas en tirer profit ?

Clodomir et Eulalie finissent par accepter : Chaque mois, il transmettra à Raoul une partie de la base de prospects, en échange d’un virement.

Tout fonctionne bien pendant quelques mois.

Lors du comité de direction de mars, un sujet est mis à l’ordre du jour : Le SAV a reçu une dizaine de plaintes. Des personnes disent être harcelées de mails de prospection qu’ils n’ont jamais demandé et ils accusent l’entreprise.

Pourtant, les emails en question ne viennent pas de l’entreprise de Raoul.

Clodomir appelle Raoul pour savoir s’il a fait l’objet d’un piratage informatique qui pourrait expliquer ces emails. Raoul le rassure, rien de tout cela n’est arrivé. (Sinon on l’aurait envoyé lire l’épisode 10 de la Douille sur le piratage de compte).

Lors du Comité de direction suivant, le sujet revient : le SAV continue à recevoir des dizaines de signalements. Certains emails parlent de signal spam, de la DGCCRF, de l’UFC-Que Choisir, de la CNIL…

Clodomir commence à stresser.

Il planifie un point en urgence avec l’équipe du SAV.

On lui explique que depuis quelques années beaucoup d’utilisateurs créent des emails alias lorsqu’ils remplissent un formulaire avec une adresse du type : Clodomir+[nom de la société à qui je confie mes données]@gmail.com. Cela leur permet d’identifier immédiatement si une entreprise revend leurs données.

Impossible donc de dire que le problème ne vient pas d’eux.

Le SAV lui fait remonter un nouveau problème survenu depuis 24h : un activiste de la vie privée accuse partout sur les réseaux sociaux que l’entreprise revend les données. Il commente tous leurs posts avec ce genre de message « VOUS VENDEZ NOS DONNEES, A FUIR DE TOUTE URGENCE ».

Une semaine après, le SAV signale que les plaintes explosent.

Clodomir appelle Raoul. Pas de réponse. Alors il insiste et insiste.

Il rappelle. Et il finit enfin par apprendre la vérité :

Raoul fini par avouer qu’il a partagé les emails avec un autre prestataire qui, à son tour, les aurait mis à disposition d’une autre société.

Dans la foulée, l’activiste est tellement furieux, qu’il monte un petit groupe de personnes qui signalent en masse le profil Instagram de Clodomir.

Son compte se fait bloquer par la plateforme. Immédiatement, l’acquisition de leads s’effondre. Il faudra un mois à Clodomir pour récupérer son compte.

Tout ça pour 0,50 centimes gagnés par lead.

2. Le Temps technique : Comment monétiser sa base de données ?

 

En BtoC, la prospection commerciale par email est strictement encadrée. Par principe, elle n’est autorisée que si le consommateur a donné son consentement préalable ou s’il est déjà client de l’entreprise.

Pour les prospects, le consentement ne peut pas être implicite : il doit être obtenu via une case à cocher spécifique lors de la collecte des données.

Pour partager des données avec des partenaires, la même règle s’applique et il faut une case à cocher dédiée.

Depuis 2022, la CNIL a commencé à imposer une règle supplémentaire : pour qu’un partenaire puisse démarcher un consommateur, la mention d’information doit préciser l’identité exacte des entreprises avec lesquelles les données seront partagées.

Il ne suffit plus d’écrire « Je souhaite recevoir les offres de nos partenaires » selon la CNIL, il faut en plus lister précisément les sociétés concernées. Cette liste peut être directement affichée sur le formulaire ou via un lien.

Concrètement pour la CNIL, le formulaire de collecte doit ressembler à ça :

Une image contenant texte, capture d’écran, Police, ligne Le contenu généré par l’IA peut être incorrect.

Dans tous les cas, monétiser sa base de données est une pratique à manier avec précaution. Il y a un vrai risque réputationnel si on fait affaire avec un partenaire qui n’est pas sérieux.

Ainsi, il est fortement recommandé de formaliser la relation dans un contrat qui encadre les obligations de chaque partie et impose des garanties fortes.